lundi 25 mars 2013

Prix de la farine et du pain en Nouvelle-France entre 1688-1700

Pour faire du pain, il faut de la farine. Le prix de la farine est relié à qualité de la récolte de blé. Si la récolte de blé est mauvaise, la farine devient plus rare et son prix en est affecté. Les hausses et les baisses du prix de la farine calquent celles du prix du blé. Le prix du minot de farine payé entre 50 et 60 sols en 1689 bondit à 120 sols en 1690 et plafonne à 160 sols l’année suivante. Par la suite, jusqu’en 1700, le prix de la farine continuera à subir de tels écarts selon les ans. Dans le livre de comptes, on fait la distinction entre la farine et la fleur de farine, cette dernière se vend à la livre et son prix monte à quatre sols en 1689 pour descendre à deux sols en 1696 et retrouver le prix payé en 1689 à la fin du siècle.

Le prix du pain est associé à son poids; ce qui rend les comparaisons difficiles. De plus, on consomme trois sortes de pain : le pain blanc, le pain bis blanc et le pain bis et comme à quelques reprises la sorte de pain n’est pas précisée, ces facteurs compliquent le jeu de la comparaison. Par exemple, en octobre 1688, on parle du pain blanc à huit sols ou du pain bis à dix sols. En 1689, Nicolas Lebrun paie le pain douze sols. En juillet 1690, Charles Cadieu dit Courville doit la somme de 20 sols pour un pain bis tout comme Pierre Maufait en septembre de la même année. Par contre, en mars 1692, le chirurgien Gervais Baudoin paie un pain 20 sols et un autre 25 sols. En août 1691, on trouve des pains à 34 sols, et en septembre de la même année, du pain à 30 sols et en avril, à 28 sols. Le 20 avril 1692, Saint-Godard doit une somme de 34 sols et 6 deniers pour un pain de onze livres et demi et trois mois plus tard, une somme de 31 sols et 6 deniers pour un pain de dix livres et demi. Le prix du pain varie énormément. Ainsi, Pierre Gacien paie seize sols le pain de douze livres en octobre 1695 tandis qu’en février 1697, un pain de même poids est payé 23 sols. Pourtant en 1688, le Conseil souverain a fixé à dix-huit sols le prix du pain pesant douze livres (1).

Le Conseil souverain intervient à nouveau en 1694 et 1698 pour réglementer le prix du pain. En 1694, le lieutenant général de la prévôté de Québec rencontre les principaux intervenants de la ville. À la suite de cette rencontre, le Conseil souverain ordonne aux boulangers de vendre et distribuer le pain sur la base du prix du minot de blé à 60 sols (2). Quatre ans plus tard, le Conseil souverain revient à la charge. Le 22 février 1698, on ordonne aux boulangers d’ajuster le prix du pain sur la base d’un prix de 65 sols le minot de blé (3).


Prix de la farine et du pain en Nouvelle-France pour la période de 1688 à 1700, selon le livre de comptes C4 du Séminaire de Québec

Année    farine        fleur de farine       pain
         (sols/minot)    (sols/livre)         (sols)
1688                                                8
1689    50 à 65               4                 8 à 20
1690    120                                       16 à 24
1691    160                                       28 à 34
1692    90                                         20 à 28
1693    150 à 160           3                  31,5
1694    60                     4,5                50
1695    50                                         15 à 16
1696    70 à 95              2 à 3             23
1697    120 à 160           3 à 4            22 à 23
1698    53 à 74                                  16 à 20
1699    62 à 140             3 à 4            22 à 24
1700    120                    4                 34 à 36

(1) Bernard Audet, Se nourrir au quotidien en Nouvelle-France, Québec, GID et Bernard Audet, 2001, p. 179.
(2) Jugements et délibérations du Conseil souverain en la Nouvelle-France, vol. III, Québec, 1887, p. 869.
(3) Jugements et délibérations du Conseil souverain en la Nouvelle-France, vol. IV, Québec, 1888, p. 159-160.

lundi 18 mars 2013

Pierre Parent achète des anguilles

L’anguille constitue un élément important de l’alimentation dans la région de Québec à la fin du XVIIe siècle. D’ailleurs, Frontenac écrit qu’il considère l’anguille comme la manne de tous les habitants (1).

Le 30 juin 1682, devant le tribunal de la prévôté de Québec, Jeanne Badeau, qui représente son époux Pierre Parent, est demanderesse contre René Leduc, un habitant de la côte de Lauson. Leduc a été assigné le 19 juin. Leduc est condamné à livrer ou à payer 270 anguilles qui sont dues à Pierre Parent. Les anguilles dues seront livrables à la pêche de Pierre Parent à la première pêche qui se fera cette année. De plus, le défendeur Leduc est condamné aux dépens.

Le 23 novembre 1691, encore devant le tribunal de la prévôté de Québec, André Parent, comparant pour son père, est le défendeur dans la poursuite qu’intente Charles Amiot, maître de barque. Un mois auparavant, Amiot a livré une barrique d’anguilles à Pierre Parent contre une somme de 40 livres. Parent prétend que la barrique d’anguille ne vaut rien du tout « sauf à faire manger aux porcs ». Amiot réplique qu’il n’a pas garanti la qualité de la barrique d’anguilles en la vendant, c’est plutôt Jean Marsolet qui a décidé de la vendre et lui, Charles Amiot, n’a pas vérifié sa qualité; il la croyait bonne. Comme Pierre Parent a attendu un mois avant de porter plainte sur la qualité des anguilles, le tribunal donne raison au demandeur et Pierre Parent doit bel et bien payer 40 livres à Amiot.

(1) Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec 1927-1928, p. 111.

lundi 11 mars 2013

Prix d’aliments de base dans la région de Québec entre 1690 et 1700

Les denrées alimentaires de base de la famille canadienne de la fin du XVIIe siècle comprennent le pain, la viande de bœuf, les œufs, le sel et l’anguille. On peut établir des prix pour ces aliments en se référant au livres de comptes C4 du Séminaire de Québec.

Le prix de la viande de bœuf ne varie pratiquement pas au cours de la décennie 1690; il oscille entre quatre et six sols la livre avec une baisse exceptionnelle à trois sols la livre en 1700. En effet, ce prix est réglementé. Le 24 mars 1692, le Conseil souverain ordonne que le prix de la livre de bœuf ne peut dépasser cinq sols de Pâques jusqu’au premier juillet et quatre sols du premier juillet au carême (1). Deux ans plus tard, le Conseil souverain émet une nouvelle ordonnance. Le 4 avril 1694, il ordonne que « le bœuf et le veau seront vendus à la boucherie cinq sols la livre depuis paques jusqu’au premier juillet, et quatre sols le bœuf et six sols le veau la livre jusqu’au carême » (2).

Un autre aliment important en Nouvelle-France est l’anguille. Elle se vend habituellement en barriques, mais on la vend également à la centaine et même à l’unité qu’on paie deux sols. En barriques, le prix varie beaucoup d’une année à l’autre. Ayant connu un prix plancher entre 20 et 26 livres en 1688, 1689 et 1694, la barrique d’anguilles se maintient à un prix oscillant entre 30 et 40 livres pour les années 1692, 1693, de 1695 à 1697 et en 1699. En 1695, on sait qu’une seule anguille seule se vend deux sols et que le prix d’une barrique d’anguilles se monte à 40 livres. En faisant une simple division et en supposant que chaque anguille d’une barrique vaut deux sols, on peut estimer qu’une barrique contient environ 400 anguilles. De par la quantité et la fréquence des ventes d’anguilles rapportées dans le livre de comptes, on peut avancer que l’anguille constitue un élément important de l’alimentation dans la région de Québec à la fin du XVIIe siècle. D’ailleurs, Frontenac écrit qu’il considère l’anguille comme la manne de tous les habitants (3). Dans le tableau, le prix des anguilles est celui d'une barrique.Occasionnellement, les gens du Séminaire mangent d’autres poissons comme l’alose, le bar ou le saumon.

Le prix des œufs varie au fil des ans. Payé cinq à six sols la douzaine de 1688 à 1690, la douzaine d’œufs se négocie jusqu’à huit sols par la suite.


                                           
Prix d'aliments de base en la Nouvelle-France pour la période de 1688 à 1700, selon le livre de comptes du Séminaire de Québec
Année    anguilles                bœuf               œufs
            (livres/barrique)  (sols/livre)  (sols/douzaine)

1688        20                                            6
1689      22,5-25                                       6
1690                                   4                  5-6
1691                                   4
1692      32-46                    5-6                  8
1693        30                       4-6
1694      22-26                    4-5                  8
1695       40                         4                   6
1696      30-35                     4
1697       36                         5                   6
1698                                   4                   8
1699      35-40                     5
1700                                   3


(1) Jugement et Délibération du Conseil Souverain, vol. III, Québec, 1887, p. 662.
(2) Ibid., p. 872.
(3) Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec 1927-1928, p. 111.

lundi 4 mars 2013

Les prix des céréales dans la région de Québec entre 1690 et 1700

Les principales récoltes rapportées dans le livre de comptes C4 du Séminaire de Québec sont présentées au tableau suivant. En Nouvelle-France, on ne peut vivre sans le blé; le cultivateur récolte surtout cette céréale. Les autres produits comptent peu. Cette céréale constitue le facteur de référence. Les historiens se basent sur le prix du blé pour déterminer les indicateurs de la santé économique de la vallée du Saint-Laurent. De 1676 à 1710, à l’île d’Orléans, on estime que le blé compte pour plus de 90% du total des récoltes (1).

Le prix du blé est relié à la qualité des récoltes et le tableau 1 indique qu’il fluctue énormément. Payé 60 à 70 sols le minot en 1688 et 1689, le prix du blé atteint des sommets à 160 sols le minot en 1692 et 1693, puis descend à un niveau allant de 40 à 60 sols le minot de 1695 à 1700. Le livre de comptes du Séminaire ne rapporte pas de prix pour cette denrée en 1690 et 1691 mais on peut penser qu’il est élevé car, dans la région de Québec, la présence de l’armée anglaise commandée par Phipps a lourdement hypothéqué les récoltes en 1690. Comme cette fin d’année difficile suit la mauvaise récolte de 1689 (2), le prix du blé est sûrement élevé. Dans sa lettre au ministre du mois d’avril 1690, Frontenac écrit que le minot de blé vaut sept francs (3), soit 140 sols. La situation ne s’améliore pas en 1692 et 1693. Les forts prix demandés en 1693 résultent de la récolte désastreuse de 1692 causée par une invasion de chenilles (4). Heureusement, après plusieurs années difficiles, l’excellente récolte de 1694 desserre la pression financière exercée par le prix du blé (5); le minot de blé se transige de 40 à 50 sols en 1695. Pour les dernières années de la décennie, la stabilité du prix du blé laisse supposer de bonnes récoltes. Le traitement du blé au moulin entraîne la production de son dont le prix n’approche jamais celui du blé; il varie entre dix sols le minot en 1688 et 1695 et vingt sols le minot en 1692, 1693, 1698 et 1700. On peut constater qu’il n’existe pas de relation entre les prix du blé et du son.

On peut comparer les prix pour la région de Québec, issus du livre de comptes du Séminaire, à ceux des seigneuries de Montréal et de l’île Jésus. À quelques exceptions – 1693, 1697, 1699 et 1700 – les prix des régions de Montréal et de Québec sont du même ordre (6). Les prix du minot de blé sont plus élevés à Québec en 1693 et 1697; par contre, en 1699 et 1700, nous constatons le phénomène contraire.

Les modestes récoltes d’avoine et de pois vert n’empêchent pas ces produits de faire partie des échanges commerciaux. Si le prix du minot d’avoine augmente graduellement de 1688 à 1700, passant de 20 à 40 sols, celui du pois vert varie considérablement. Vendu en minots, son prix de 50 sols en 1688 et 1689, monte à 120 sols en 1692 et atteint même 130 sols en 1693. Pour les années suivantes, le prix du minot de pois vert retrouve le prix payé en 1688. En Nouvelle-France, on utilise le pois vert pour l’alimentation humaine et pour l’alimentation animale.


Prix (sols / minot) des productions agricoles en Nouvelle-France pour la période de 1688 à 1700, selon le livre de comptes du Séminaire de Québec.

Année    avoine     blé       pois verts      son
1688        20       60/70          50           10
1689        20         60             50
1690        25        140*
1691
1692                 120-160      100-105     20
1693        20      130-160       130          20
1694        30                        40-60       12
1695                  40-50           50          10
1696                  60-80                       10-12
1697      40-50    70-90                         15
1698        40       50-70         65/70      12-20
1699                  55-60                       12-18
1700        40        60                            20

* Cette valeur est tirée d’un rapport de Frontenac et de l’intendant Champigny au ministre, (RAPQ, 1927-1928, p. 29).

(1) Bernard Audet, Avoir feu et lieu dans l’île d’Orléans au XVIIe siècle : étude de culture matérielle, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1990, p. 185.
(2) Rapport de l'Archiviste de la Province de Québec (RAPQ) 1927-1928, p. 29.
(3) RAPQ 1927-1928, p. 105.
(4) RAPQ 1927-1928, p. 29.
(5) RAPQ 1927-1928, p. 189.
(6) Louise Dechêne, Le partage des subsistances au Canada sous le régime français, Montréal, Boréal, 1994, p. 198.