lundi 27 août 2012

Les triplets Parent travaillent ensemble

Au printemps 1698, les triplets Parent s’engagent ensemble pour la première fois. Jean Soulard, arquebusier du roi, qui demeure rue Notre-Dame en la Basse-Ville de Québec, les choisit pour réaliser des travaux de maçonnerie. Les triplets construiront pour le sieur Soulard des « Lieux de convenance ou privés Le long de la maiSon ». Le cabinet d’aisance mesurera 6 pieds de longueur sur 4 pieds de largeur et sera bâti de façon à ce que les odeurs et les immondices ne puissent indisposer les résidants. De plus, les maçons installeront des tuyaux qui se rendront à chacun des étages de la maison et feront « des ouvertures dans led. mur en forme de porte pour y poSer et faire Les Sieges desds. Lieux ». Les triplets devront utiliser de la pierre de Beauport pour cette construction. Soulard paiera la somme de 180 livres pour la totalité des travaux. De cette somme, la moitié sera versée en argent et l’autre moitié, en marchandises (1).

Quatre ans plus tard, les triplets travaillent de nouveau ensemble. À l’été 1702, les triplets et leur confrère Mathieu Lagrange signent un important contrat de construction. Louis Prat, boulanger à Québec, les embauche pour continuer la construction de la maison qu’il a commencé à faire bâtir, rue Sault-au-Matelot. De façon générale, les maçons doivent « achever generallement toutte la massonne du quarré de la ditte maison […] et construire une cheminée dans le pignon du costé du nord Est, laquelle sera toisée […] et continuer celle qui a ete commencée au pignon du sorouet qui sera toisée comme un mur courant […] ». Le verbe toiser est utilisé dans le sens de mesurer le volume de pierres à poser. Le associés encaisseront la somme de 7 livres par toise bâtie qui sera payée de la façon suivante :  les deux tiers en argent et l’autre tiers en marchandises de du magasin du boulanger Prat. De plus, les maçons reconnaissent avoir déjà reçu la somme de 100 livres en argent d’une somme de 250 livres que Prat promet de leur avancer pour la réalisation des travaux (2). Il s’agit du plus important contrat signé jusqu’alors par les trois maçons Parent.

(1). BAnQ. Minutier de Louis Chambalon, le 17 mars 1698.
(2). BAnQ. Minutier de Michel Lepailleur Laferté, le 27 juin 1702.

lundi 20 août 2012

Joseph Parent, artisan

Joseph Parent est le septième enfant né du mariage de Pierre Parent et de Jeanne Badeau. Un de ses frères – un des triplets – portera aussi le prénom de Joseph.

Le 17 janvier 1688, Jeanne Badeau vient en aide à son fils Joseph, l'aîné des deux Joseph. Elle loue de Marie-Madeleine Pelletier, veuve de Nicolas Cliche, serrurier, un emplacement avec une maison et une boutique attenante. La maison est située « Sur la rüe montant de la basse ville a la haute ville ». Jeanne signe un bail de trois ans au prix de 160 livres par année. La veuve Pelletier ne voit pas la couleur de cet argent, car 18 livres vont directement aux jésuites et le reste à Charles Aubert de Lachesnaye en déduction d'une dette. La locatrice se réserve, à son usage, une petite chambre de la maison (1). Pierre ratifie le contrat de location quatre jours plus tard.

Ce même jour, puisque Pierre s'est déplacé chez le notaire Rageot, il profite de l'occasion pour louer, pour son fils Joseph, les outils de la boutique de forge de Nicolas Cliche. Pierre déboursera 50 livres par an pour cette location (2). Quatre mois plus tard, Jeanne se rend encore chez le notaire au nom de son fils Joseph. Ce dernier sous-loue, jusqu'au 17 janvier 1691, la maison de la veuve Cliche à « Marie Lureau fe de Jean deguy son époux de Montreal (3)». Quand, le 30 janvier 1690, Joseph Parent se présente devant le notaire Genaple pour signer son contrat de mariage, il précise qu'il pratique le métier de serrurier et qu'il demeure rue de la Montagne, à Québec. Il va épouser Marie-Madeleine Marette, fille de Jacques Marette et de Marie Pagé (4). Il demeure toujours dans la même rue, car il y a acheté un emplacement de Jean Le Rouge et son épouse, le 28 novembre 1689 (5).

Joseph Parent se dit serrurier en 1690, mais quelques années plus tard, il dira qu’il pratique le métier de ferblantier ou de taillandier. Joseph déménage à Montréal au cours de l’automne 1697. Le 11 novembre, la veuve de Jean-Baptiste Demers loue une maison rue Notre-Dame, à Montréal, à Joseph Parent, taillandier (6). Au printemps suivant, il se défait de ses biens dans la ville de Québec. Ainsi, son beau-frère Joseph Rancourt, charpentier de navire du Petit Village de Beauport, procureur de Joseph Parent, taillandier, et de Madeleine Marette, son épouse, de Montréal, vend à André Jourian, tonnelier de Québec, son emplacement situé rue de la Montagne (7).

Avec son arrivée à Montréal, Joseph concrétise ses goûts pour la vie aventureuse qui l’ont déjà amené aux pays des Outaouais et qui le conduira à vivre plusieurs années au fort Pontchartrain, de la rivière Détroit. Ça, c’est une autre histoire.

(1) BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 17 janvier 1688.
(2. BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 21 janvier 1688.
(3) BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 22 mai 1688.
(4) BAnQ, Minutier de François Genaple, le 30 janvier 1690.
(5) BAnQ, Minutier de François Genaple, le 28 novembre 1689.
(6) BAnQ. Minutier d’Antoine Adhémar, le 11 novembre 1697.
(7) BAnQ. Minutier de François Genaple, le 2 avril 1698.

lundi 13 août 2012

Michel Parent, charpentier de navire

Michel Parent est le neuvième enfant de Pierre Parent et de Jeanne Badeau. Nous ne trouvons aucune trace de l'apprentissage d'un métier pour le jeune Michel Parent; cette information pourrait nous renseigner sur sa vie de travailleur. Mais au mois de décembre 1691, voici une première piste. Michel va très bientôt avoir 20 ans et il considère qu'il a atteint la maturité nécessaire pour prendre des engagements. Le 12 décembre 1691, Michel, représenté par sa mère, négocie son premier contrat. Devant le notaire Rageot, Jeanne Badeau reconnaît devoir à François Hazeur, marchand bourgeois de Québec, la somme de 487 livres et 5 sols pour les agrès et « apparaux » d'une chaloupe neuve que son fils Michel et son beau-frère Joseph Rancourt ont commencé à construire au mois d'août précédent (1). Michel et son beau-frère ne peuvent probablement pas fournir de garanties valables à François Hazeur, d'où l'implication de sa mère qui leur permet d'acquérir ainsi le matériel désiré. Que Jeanne Badeau signe des actes notariés peut surprendre, mais elle l’a fait à de nombreuses reprises sa vie durant. Nous ignorons la façon dont s’est terminée cette affaire.

Le partenaire de Michel, Joseph Rancourt, fils de Pierre Rancourt et de Jeanne-Claude de Boisandré, est né en France. Ses parents n’ont pas posé les pieds en Nouvelle-France. Il a épousé la sœur de son associé, Marie Parent, veuve de David Corbin, le 5 février 1685, à Beauport. De l'année de son mariage à la signature de ce contrat, six années plus tard, Rancourt a touché à plus d'un métier. Il a loué une ferme (2), pratiqué le métier de boucher (3) et réparé des chaloupes (4).

Ainsi, Michel apprend à construire des chaloupes. Pour pratiquer cette activité spécialisée, on pourrait penser qu’il a été placé en apprentissage. Traditionnellement, avant de pouvoir pratiquer un métier, une période d’apprentissage est exigée, personne ne peut s’y soustraire, du moins dans la mère patrie. En Nouvelle-France, le besoin pressant d’ouvriers spécialisés force les dirigeants de la colonie à assouplir les règles entourant les corporations des métiers par rapport à ce qui existe en France, surtout en ce qui concerne la durée de la période d’apprentissage.

Pourtant, dans la famille Parent, on reconnaît les avantages et l’utilité d’apprendre un métier sous l’enseignement d’un maître, car au moins deux frères de Michel sont engagés comme apprentis. Par exemple, en 1692, Étienne, le frère de Michel, entre en apprentissage chez l’architecte Claude Baillif (5). Ce maître artisan s’engage à « luy montrer et Enseigner a tailler de la pierre, massonnée et toutes autres choses dont le dt Sieur Baillif se connaît ». La famille Parent connaît bien le chemin qui mène à l’atelier de Claude Baillif car, cinq années auparavant, Jean Parent, le jeune frère de Michel, avait déjà été placé en apprentissage chez ce même Baillif (6).

Si Michel ou son beau-frère ont suivi quelque apprentissage, nous n’en trouvons aucune trace. Quoi qu’il en soit, en 1692, Joseph Rancourt, qui accompagne Jeanne Badeau lors de la signature du contrat d’apprentissage d’Étienne Parent, se qualifie de « Maître charpentier». Michel apprend vraisemblablement son métier ainsi en collaborant avec son beau-frère même si aucun acte notarié ne légalise cette situation. Il semble bien que cette étape en ce qui regarde les charpentiers de navires n’ait jamais été considérée comme indispensable. La transmission de leur art se fait à l’intérieur d’un réseau familial dans lequel plusieurs membres prodiguent leurs connaissances à leurs descendants. Ainsi Joseph Rancourt s’occupe de la formation de Michel Parent.

(1) BAnQ-Q. Minutier de Louis Chambalon, le 12 décembre 1691.
(2) BAnQ-Q. Minutier de Pierre Duquet, le 26 mars 1685.
(3) BAnQ-Q. Minutier de Pierre Duquet, le 22 juillet 1685.
(4) BAnQ-Q. Minutier de Gilles Rageot, le 16 novembre 1688.
(5) BAnQ-Q. Minutier de Louis Chambalon, le 22 juin 1692.
(6) BAnQ-Q. Minutier de Gilles Rageot, le 11 avril 1687.

lundi 6 août 2012

Les filles se marient jeunes en Nouvelle-France


En Nouvelle-France, souvent les filles se marient encore adolescentes. La majorité des filles des pionniers qui sont nées en en Nouvelle-France convolent avant 20 ans et nombreuses sont celles qui se marient dès la puberté, tandis que les garçons le font entre 22 et 32 ans (1). Par exemple, les quatre filles de Pierre Parent et Jeanne Badeau se sont mariées à l’âge de 15 ou de 16 ans mais ses dix frères qui prennent épouse dans la région de Québec le font à un âge qui varie entre 19 et 23 ans.

Cette volonté d’encourager les jeunes garçons et jeunes filles de la nouvelle colonie à se marier très jeunes est clairement exprimée dans la correspondance que les autorités françaises adressent aux dirigeants de la Nouvelle-France. En 1670, cette politique royale se traduit en ces termes : « Veut de plus Sa dite Majesté qu’il soit payé par les ordres du dit intendant à tous les garçons qui se marieront à vingt ans et au-dessous, et aux filles à seize ans et au-dessous, vingt louis pour chacun le jour de leurs noces; […] et qu’il soit établi quelque peine pécuniaire, applicable aux hôpitaux des lieux, contre les pères qui ne marieront point leurs enfants à l’âge de vingt ans pour les garçons et à l’âge de seize ans pour les filles (2). » 

Deux ans plus tôt, Colbert proposait des mesures encore plus énergiques, il souhaitait doter les garçons afin de faciliter leur mariage (3). D’ailleurs, près de 40 années plus tard, le discours officiel véhicule toujours les mêmes préoccupations. Dans une missive du 7 novembre 1711 adressée à la Cour, on apprend que le gouverneur et l’intendant restent préoccupés par cette politique. « Les Srs De Vaudreuil et Raudot […] exhortent le plus qu’ils peuvent les filles et les garçons du Canada de Se marier, le Sr Raudot leur dit toujours que c’est l’intention de Sa Majesté que les garçons se marient à 20 ans et les filles à 16 ans, sans cependant pour cela qu’ils doivent s’écarter du respect qu’ils doivent à leurs Parens (4).» Les enfants de la famille Parent-Badeau s’inscrivent parfaitement dans les désirs exprimés par les autorités en ce qui concerne l’âge de la nuptialité.

(1) Hubert Charbonneau, Bertrand Desjardins, André Guillemette, Yves Landry, Jacques Légaré, François Nault avec la collaboration de Réal Bates et Marie Bolede, Naissance d’une population, les Français établis au Canada, Les Presses de l’Université de Montréal et les Presses universitaires de France, Travaux et Documents, cahier no 118, 1987, p. 71.

(2) Paul-André Leclerc, prêtre, « Le mariage sous le régime français », Revue d’histoire de l’Amérique française,13: 240, 1959, citant les Arrêts du Conseil d’État du Roi, le 12 avril 1670 dans Édits et ordonnances royaux I, p. 68.

(3) Rapport de l’archiviste de la province de Québec (1930-1931), Lettre du ministre Colbert à Talon, p. 95.

(4) Rapport de l’archiviste de la province de Québec. (1946-1947), Correspondance entre M. de Vaudreuil et la Cour, p. 448.