lundi 17 septembre 2012

Michel Parent, démêlés avec la justice en 1699

Michel Parent a appris à construire des chaloupes mais la pratique de ce métier dans lequel il est encore jeune n’est pas suffisant pour bien gagner sa vie. Le 11 septembre 1698, Michel Parent contracte un bail à ferme envers Timothée Roussel, maître chirurgien de Québec, et son épouse Catherine Fournier. Pour une période de cinq ans, ces derniers ont loué à Michel Parent, « habitant demeurant paroisse de Beauport » et à Jeanne Chevallier, sa femme, une terre et habitation située au lieu appelé La Canardière (1). Cette terre est située dans la seigneurie Notre-Dame-des-Anges. Dans cet acte notarié qui couvre quatre pages densément écrites, on y trouve décrits tous les éléments qui régissent l'exploitation d'une ferme. Cela va du nombre et de la description détaillée des animaux, à la production de beurre et à la sorte de grains semés et récoltés, en passant par la description des instruments aratoires utilisés et au cycle de l'entretien de la terre.

Michel n'exploite la terre de Timothée Roussel que depuis un an et déjà la mésentente s'est installée. Roussel s'impatiente devant la manière dont son métayer s'occupe de son bien : il craint de perdre une partie de ses récoltes. Michel accepte mal les remontrances du propriétaire; il réagit même avec violence. Le 27 août 1699, le bailliage de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges est saisi d'une plainte de Roussel. Il demande qu'il lui soit permis de mettre des faucheurs pour faucher les foins qui sont sa terre, vu la négligence et le peu de soin de Michel Parent et vu « l’inconstance du temps et la saison qui presse ». De plus, il considère inacceptable les insultes que lui a faites le défendeur. Pour sa défense, Michel Parent demande à Joseph Normand, son voisin, d’aller visiter la terre en compagnie de Joseph Lemire, représentant de Roussel, et de faire rapport aux autorités (2).

La plainte de Roussel est rejetée par la prévôté de Québec le 23 septembre. Il semble bien que l'entente est difficile entre les deux parties, puisque que tout ce monde se retrouve devant le Conseil souverain un peu plus tard. Le 7 décembre, Roussel en appelle de la décision. Après la lecture des représentations de chacune des parties, le Conseil souverain donne raison à Roussel et ordonne que les grains « seront battus tant par led Parent qu'une autre personne que led appellant pourra Employer a cet Effet ». (3)

Mais les choses n'en restent pas là. Quinze jours après le jugement du Conseil souverain, ce dernier est à nouveau saisi de leur affaire. Aucun des deux protagonistes n'est satisfait du jugement rendu. Michel conteste la somme qu'il doit payer à Roussel en réparations des dommages que ce dernier aurait subis. Il demande à être entendu sur le jugement le condamnant à réparer les clôtures et la couverture de la grange à ses frais et d'honorer le bail à ferme qu'il a signé l'année dernière pour les cinq années prévues à l’entente. De plus, il conteste la sentence à la suite de l'Incident arrivé pendant l'instance et pour lequel il fut convaincu de violence et voies de fait envers Roussel et condamné à verser la somme de 15 livres en aumônes pour les pauvres au bureau de cette ville.

Le Conseil souverain, après avoir rappelé tous les événements qui ont jalonné ce dossier, rend sa décision. S'étant enquis du consentement des deux parties, il décrète que le bail à ferme qui lie les deux parties est maintenant nul. Il condamne « led Parent rendre et restituer aud Roussel tous les bestiaux, Meubles et Ustensiles portez par led bail Et les Escrois si aucuns sont ». Michel Parent doit s'engager à terminer la saison des récoltes et s’assurer, en bon fermier, de battre tous les grains et s'assurer que les bestiaux auront suffisamment de fourrages pour toute la durée de l'hiver. Par la suite, tous les surplus en grains et fourrages seront partagés entre les protagonistes. Finalement, Michel doit payer 17 livres pour avoir agressé Roussel (4). Il semble bien que cette fois-ci Michel accepte le jugement.

Il ne faut pas s’étonner que Michel se soit confronté à Timothée Roussel. Les démêlés de Roussel avec ses concitoyens remplissent des pages et des pages soit dans les Jugements et délibérations du Conseil souverain, soit dans les archives du tribunal seigneurial de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. Roussel, maître chirurgien, « était un homme coléreux et âpre au gain. À partir de 1672, il parut presque à chaque année devant le Conseil souverain dans des rôles de demandeur, d’intimé ou d’appelant.» (5)

(1) BAnQ. Minutier de Charles Rageot de Saint-Luc, le 11 septembre 1698.
(2). André Lafontaine, Le bailliage de Notre-Dame-des-Anges, tome I, Québec, s.e., p. 144;  p. 164-165.
(3). Jugements et délibérations du Conseil Souverain, publié par le Département du registraire de la Province, Québec, vol. IV, 1988, p. 374.
(4) Ibid., p. 377-379.
(5). Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1966, p. 596.

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