vendredi 25 novembre 2011

Tourner un taureau

Les concitoyens de Pierre Parent apprécient son travail. Son expertise ne se limite pas à l’abattage d’animaux et au découpage des carcasses. En effet, parallèlement à son métier de boucher, Pierre est sollicité par ses concitoyens pour réaliser une opération d’un autre genre, soit tourner des taureaux. Il semble bien qu’on lui demande assez régulièrement de réaliser cette opération et cette activité lui rapporte un revenu d’appoint non négligeable.

Par exemple, à l’été 1677, le livre de comptes du Séminaire de Québec indique qu’on doit une somme de 30 livres à Pierre Parent pour avoir tourné 15 taureaux au cours de l’hiver et du printemps précédents. En 1678, ce même livre de comptes indique que Pierre leur doit une somme de 4 livres. Dans ce cas-ci, il s’agit de rembourser une somme d’argent payée en trop car, il n’a tourné que 5 taureaux au lieu de 7 comme il était prévu. D’après les chiffres rapportés, on peut calculer que, dans les années 1675 à 1683, Pierre exige une somme de 2 livres pour tourner un taureau.

Pierre n’est pas avare de ses connaissances et il a transmis son savoir à un de ses fils. Vers 1688, le meunier Pierre Simon dit Delorme fait appel aux services de la famille Parent. Le meunier est installé à la côte Saint-Michel, à Sillery, près de Québec. Dans son livre de comptes, il souligne qu’il a payé une somme de 30 sous au fils Parent pour avoir tourné son taureau. On ignore le prénom du fils Parent (1). Au mois d’août 1693, le livre de comptes du Séminaire de Québec indique que la ferme du moulin à scie du Séminaire de Québec a payé la somme de 9 livres à André Parent pour avoir tourné des taureaux; le nombre de bêtes n’est pas précisé.

Mais que signifie l’expression tourner un taureau ? Dans certaines régions de France, comme dans les anciennes provinces de l’ouest, particulièrement l’Aunis et la Saintonge, tourner est utilisé dans le sens de châtrer (2). Ce terme apparaît aussi dans l’est de la France, dans la Lorraine et la Franche-Comté, et dans le Centre. Comme Pierre Parent est vraisemblablement originaire de la Saintonge, il n’est pas étonnant que ce verbe soit utilisé d’après le sens qu’il lui connaît depuis toujours. Ce terme aurait franchi les ans car, au Québec, le dictionnaire Glossaire du parler français au Canada rapporte le terme « tourneux » qui définit une personne dont le métier consiste à châtrer les animaux (3).

1. Marcel Juneau et Claude Poirier, Le livre de comptes d’un meunier québécois (fin XVIIe – début XVIIIe siècle), Québec, Les Presses de l’université Laval, 1973, p. 32.
2. op. cit. p. 156.
3. Glossaire du parler français au Canada, Québec, Les Presses de l’université Laval, 1968.

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