vendredi 11 novembre 2011

Jeanne Badeau et sa mère se fâchent

En cet après-midi du 25 mars 1667, François Allard, engagé d’Anne Ardouin, la veuve de Jacques Badeau, a invité ses amis à venir chez sa patronne pour boire de l’eau-de-vie. Ses amis sont les engagés de des voisins. Ainsi, Germain Langlois, engagé de Pierre Parent, Pierre Dumesnil, engagé du seigneur de Beauport, Robert Giffard, se retrouvent, avec d'autres dont Denis Avisse et Mathurin Cardin, sirotant l’alcool fourni par Allard et discutant à bâtons rompus. Dumesnil est présent car Allard lui doit de l’argent et c’est de cette façon qu’il rembourse sa dette.

À un certain moment, on en vient à parler des cochons qui se promènent en toute liberté et qui vont dans les prairies de la commune du seigneur de Beauport mangeant parfois des récoltes. Langlois apostrophe Dumesnil. Il lui rappelle que l’automne dernier, il avait chassé sans ménagement les cochons appartenant à Pierre Parent qui s’étaient aventurés sur les terres du seigneur de Beauport, l’accusant même d’en avoir tué un. Dumesnil réplique à Langlois et le ton monte. On en vient aux coups. Au même moment, Anne Ardouin, revenant de la grange où elle avait nourri ses animaux, entre dans sa maison. Voyant la scène, elle décide d’intervenir. C’est la bousculade. Tout ce vacarme alerte sa voisine qui demeure tout près; il s’agit de sa fille Jeanne Badeau. Inquiète, elle se rend chez sa mère armée de son balai. Arrivant sur les lieux, elle n’hésite pas. Jeanne donne quelques coups de bâton à Dumesnil avec « un baSton gros comme le poulce » et Anne Ardouin le gifle. Dumesnil quitte les lieux et se rend immédiatement au manoir de son maître qui est absent. L’épouse de Giffard rabroue son domestique,

Furieux, celui-ci choisit de porter l’affaire devant les tribunaux. Le tribunal seigneurial a condamné sévèrement Germain Langlois, Anne Ardouin, veuve de Jacques Badeau, et sa fille Jeanne Badeau. Ils portent en appel un jugement rendu contre eux, le 3 mai 1667, à la suite de la plainte émise par Pierre Dumesnil. L’appel des défendeurs, devant le tribunal de la prévôté de Québec, est entendu le 30 juin.

Racontant les faits au juge de la prévôté, Pierre Dumesnil affirme avoir été maltraité par Germain Langlois, Anne Ardouin et sa fille Jeanne à la suite d'une querelle concernant la liberté de laisser aller leurs cochons sur la grève comme le veut la Coutume de Paris, selon leurs prétentions. Le domestique explique que son maître lui avait ordonné de chasser les cochons de ses prairies qui ont été défrichées au-dessus de la marée. Ces prairies sont clôturées, les grains protégés des animaux et les bêtes ne peuvent y aller. Bien qu'il ait voulu défendre la propriété de son maître, Dumesnil ajoute que Giffard n'a pris et n'a voulu prendre aucun intérêt dans cette affaire.

La querelle finie, Dumesnil « Se Seroit retiré Sans autre blessure que d’avoir le nez plein de sang Et un petit coup contre l’œil por sestre coigné contre la Cheminée ». Comme Pierre Dumesnil « n’a point Esté Incommodé pour quitter Ses travaux ordinaires » le juge annule la condamnation précédente envers Germain Langlois, Anne Ardouin et Jeanne Badeau, sa fille. La sentence du 3 mars 1667 était lourde conséquences, En effet, les accusés devaient aller demander pardon à genoux au sieur Robert Giffard et payer 129 livres de dépens et intérêts civils. Au lieu de cela, le juge de la prévôté les condamne ensemble à 20 livres d'amende, soit moitié aux pauvres de l'hôpital et moitié à Dumesnil.

Rappelons qu’en ce 25 mars 1667, Jeanne Badeau est enceinte de près de neuf mois. Elle accouchera le 29 mars de son sixième enfant.

Pour lire le jugement du 30 juin 1667 dans son intégralité, voir la transcription réalisée par Guy Perron (1).

1. Guy Perron, La Prévôté de Québec, transcription des volumes 1 et 2 (registres civils), 2 septembre 1666 au 26 octobre 1668, tome I, Longueil, Les éditions historiques et généalogiques Pépin, collection « Notre patrimoine national » no 220, 2002. p. 80.

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