vendredi 18 novembre 2011

Boucher de père en fils

Deux des fils de Pierre Parent vont pratiquer le métier de boucher : Jacques, le fils aîné, et André.

Jacques exerce cette profession pendant quelques années au milieu de la décennie 1680. En effet, au mois d’avril 1685, avec Germain Langlois, habitant du Bourg-Royal et ancien domestique de Pierre Parent, Jacques Parent forme une société pour exploiter une boucherie. Le travail en association est bien établi chez les bouchers de Québec, et on peut souligner que Pierre Parent fut l’un des premiers à amener cette façon de faire dans cette confrérie. L’association entre Jacques et Germain Langlois débute le jour de Pâques 1685 pour une durée d’un an. Chaque mois, ils examinent la situation financière de leur commerce et se rendent mutuellement des comptes sur le bon fonctionnement de leur boucherie sur le plan tant de l’achat des bestiaux que des frais liés à une telle exploitation. Les deux associés investissent chacun une somme de 100 livres pour démarrer la société en effectuant un achat de bestiaux (1).

Comme beaucoup de nouveaux commerçants, les deux associés manquent d’argent pour lancer leur entreprise. Ainsi, la même journée, pour remédier à cette situation, ils signent un pacte avec Jacques Defay, marchand de Québec. Ce dernier promet de leur fournir, en billets payables en marchandises, jusqu'à concurrence de 300 livres pour leur permettre d’acheter des bestiaux afin d’assurer le bon fonctionnement de leur boucherie. Les deux bouchers rembourseront le prêt en trois versements : le premier au mois d’août suivant, le deuxième au début du mois d’octobre et le dernier à Pâques de l’année suivante (2).

Leur nouvelle carrière débute sur une bonne note, car les deux nouveaux bouchers obtiennent un contrat de fourniture de viande de bœuf avec l’hôpital l’Hôtel-Dieu de Québec. Habituellement, l’Hôtel-Dieu achète directement les animaux de boucherie auprès des habitants. Occasionnellement, il fait appel aux services des bouchers de la ville pendant les chaudes périodes de l’été où la viande se conserve difficilement. À certains moments, les religieuses doivent écouler un surplus de viande qu’elles perdraient de toute façon et, pour ce faire, elles ont recours aux bouchers. Ainsi, de 1685 jusqu’au 11 mars 1686, Jacques Parent et Germain Langlois fournissent 2950 livres de viande de bœuf et 58 livres de suif fondu. En 1686, ils vendent 1480 livres de bœuf et trois quartiers de mouton (3).

Bien qu’ils soient favorisés par ce contrat avec l’Hôtel-Dieu, les deux bouchers souffrent d’un manque de numéraire. Pour mener à bien leur projet de boucherie, il faut acheter des bêtes à cornes et toutes les rentrées d’argent sont bienvenues. Ainsi, Jacques accepte avec satisfaction la somme d’argent que sa belle-mère avait promis de verser d’après les clauses de son contrat de mariage. Au mois de janvier 1686, Jacques Parent reconnaît avoir reçu une somme de 157 livres « en deduction de la somme de deux cent cinquante livres porté en son contract de mariage d’entre luy et LouiSe chavalier sa femme ». Jeanne Langlois, veuve de René Chevalier, donne une quittance à son gendre (4). Finalement, après quelques années de vaillants efforts, Jacques abandonne ce métier à la fin de la décennie 1680.

Encouragé par le savoir-faire de son père et de son frère, André Parent s’essaie à ce métier au cours de la même période. Ainsi, à l’été 1686, une transaction nous en informe. Pierre Lemoine, habitant de Batiscan, vend un bœuf à André Parent, maître boucher de Québec, pour une somme de 61 livres « le tout payable quinze livres en argent escu et le restant en marchandises et le tout vers le mois d’aoust audt vendeur ou a son ordre (5) ». En 1687, quand François Genaple se rend faire le procès-verbal d’alignement de la propriété d’André par rapport à celles de ses voisins, on précise qu’il pratique le métier de boucher.

Vers 1688 – il est impossible, malheureusement, d’être plus précis – , le meunier Pierre Simon dit Delorme fait appel aux services de la famille Parent. Le meunier est installé à la côte Saint-Michel, à Sillery, près de Québec. Dans son livre de comptes, il souligne qu’il a payé une somme de 30 sous au fils Parent pour avoir « tourné son taureau » (6). (L’explication de cette expression fera l’objet du prochain commentaire). La monnaie connue sous le nom de sou correspond à une pièce de cuivre qui vaut 12 deniers, soit l’équivalent d’un sol. On ignore le prénom du fils Parent, mais il peut vraisemblablement s’agir d’André. Au mois d’août 1693, le livre de comptes du séminaire de Québec indique que la ferme du moulin à scie du séminaire de Québec a payé la somme de 9 livres à André Parent pour avoir tourné des taureaux; le nombre de bêtes n’est pas précisé (7). Sa vie durant, André pratiquera sporadiquement le métier de boucher.


1. BAnQ. Minutier de Gilles Rageot, le 9 avril 1685.
2. BAnQ. Minutier de François Genaple, le 9 avril 1685.
3. François Rousseau, L’œuvre de chère en Nouvelle-France. Le régime des malades à l’Hôtel-Dieu de Québec, Québec, Les Cahiers d’histoire de l’Université Laval, no 29, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1983, p. 135-136.
4. BAnQ. Minutier de Paul Vachon, le 18 janvier 1686.
5. BAnQ. Minutier de Claude Maugue, le 24 juin 1686.
6. Marcel Juneau et Claude Poirier, Le livre de comptes d’un meunier québécois (fin XVIIe – début XVIIIe siècle), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1973, p. 32.
7. Ibid., p. 156.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire